Sangha : Paulette Ndjata donne le goût de l’hôpital aux Pygmées

Paulette Ndjata est la première « sage-femme » pygmée du Centre de santé intégré de Zoulabouth, dans le département de la Sangha, à plus de 865km au nord de la capitale du Congo, Brazzaville. Très engagée dans sa mission, elle est un exemple pour les membres de sa communauté comme pour les Bantous.Paulette

« La première fois que j’ai porté une blouse blanche et travaillé au service de la population sans qu’on tienne compte de l’ethnie de l’un ou de l’autre, je n’en revenais pas », se souvient avec joie Paulette Ndjata, encore surprise de son accueil par les malades et sa collègue, cheffe de CSI.
Depuis 2017, Paulette est la première autochtone « sage-femme » au Centre de santé intégré (CSI) de zoulabouth, localité située à environ 865 km au nord de Brazzaville dans le département de la Sangha. Ce centre de santé qui ne compte que deux agents (Paulette et son cheffe de centre, une bantoue, infirmier diplômé d’Etat (IDE), veillent sur la santé d’environ 1200 habitants (+ de 716 autochtones) que compte ce village.
Encouragée par ses collègues, cette énergique femme avoisinant la quarantaine, célibataire et mère de six enfants, tient bon face aux railleries de quelques malades : « Je ne peux pas me faire traiter par un ‘Mombenga’ (Pygmée, en lingala, Ndlr) ». « Certains vous regardent avec dédain, mais je les affronte de face. Même dans ma communauté, certaines personnes ne me voient pas d’un bon œil, car je suis contre les paresseux qui aiment tendre la main et ternissent l’image d’autochtone. » Paulette n’a jamais fréquenté une école de santé, mais, formée durant une semaine aux soins d’accoucheuse traditionnelle par l’équipe de Médecin d’Afrique, elle a vite appris les rudiments du métier. « Au début, j’étais impressionnée d’être parmi ces multiples femmes bantoues et autochtones venues des différents coins du département de la Sangha, mais les encouragements du conseiller de mon village m’ont beaucoup aidée, j’ai tenu le coup et resté au finish l’unique femme de mon village », explique-t-elle, modeste.
Courageuse et déterminée dans son travail, elle fait l’honneur de sa communauté et attire des membres de celle-ci vers le CSI. « Les Pygmées fréquentent de plus en plus notre centre de santé, surtout ceux qui sont dans les villages et campements environnant de Zoulabouth ». Pour elle, « travailler dans un hôpital c’est dur, car il faut veiller à la vie des autres, on est toujours debout et tu ne peux pas dormir ».

« Se faire une place par le travail »

Avant, les Pygmées se soignaient souvent avec des plantes médicinales. Avoir un des leurs « employés » à l’hôpital leur redonne espoir et dignité. « Quand j’étais là-bas, maman Paulette ne cessait de venir me demander comment j’allais et était très attentionné avec mon bébé », se souvient Marie, qui a accouché en mars dernier d’un petit garçon. Pour Michel Dogom, chef de village de Zoulabouth, Bantous et Pygmées ont les mêmes droits : « Médecins et infirmiers qui ont prêté serment ne devraient pas regarder les clivages ethniques avant de recevoir ou de traiter la population». Depuis l’arrivée de Paulette au CSI, le comportement de certaines personnes a changé. Au CSI, tous les malades sont désormais traités sans préjugés.
Engagé comme prestataire, Paulette bénéficie d’un émolument trimestriel à hauteur de 50.000FCfa, « il était prévu que chaque trois mois je devais percevoir 50.000FCfa, qui malheureusement nous n’avons pas encore perçu. Nous sommes pris en charge par la société Tala-Tala, dans ce chapitre nous sommes avec des enseignants », confie-t-elle.
L’engagement et les actions menés de Paulette contribuent à faire voler en éclats le complexe d’infériorité qui paralysait jusque-là certains. « Un grand pas a été franchi. Il y a de plus en plus de jeunes Pygmées à l’école primaire et au collège. Certains veulent être comme Paulette… », se réjouit l’intéressée, ravie que son exemple et celui de certains cadres puissent servir de tremplin. Elle conclut : « C’est par le travail que l’autochtone peut se faire une place dans la société et être traité d’égal à égal avec le Bantou. Il faut inciter les jeunes à étudier ! »

Marien Nzikou-Massala

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